Par un splendide dimanche de février, devant mes yeux, se déroulait un triste spectacle. Un feu d’une intensité effroyable a détruit la fromagerie St-Albert, notre fromagerie. Les nombreux pompiers à l’œuvre étaient impuissants devant les flammes qui sortaient de partout. L’immense colonne de fumée qui s’échappait du brasier me laissait penser que notre fromagerie semblait dire qu’elle était en train de mourir.
Le cœur de cette fromagerie remonte à 1948, époque à laquelle circulait l’idée d’amalgamer six petites fromageries environnantes en une seule. Après de nombreuses rencontres, le mouvement de centralisation est accepté à l’automne de la même année et la construction débute dès l’année suivante sur un terrain de Mastaï Raymond. Plus de 125 membres participent à ce qu’on appellera « la grande corvée», pendant laquelle tous et chacun y mettra l’épaule à la roue pour l’érection du nouveau bâtiment de la «St-Albert Cheese Cooperative Manufacturing Association », inauguré le 6 juin 1950.
Quelque 135 membres soutiennent la fromagerie lors de sa première année de production. Malheureusement, les premières années ne furent pas couronnées de succès, les gérants se succédant les uns après les autres. À son assemblée générale annuelle, le 13 décembre 1956, François Séguin, alors secrétaire général de l’Union des cultivateurs franco-ontariens (UCFO) explique aux membres le sens d’un vrai coopérateur et la différence entre un commerce et une coopérative. À partir de l’année suivante, le curé Arsène Hébert s’implique cœur et âme dans les affaires de la fromagerie. La fromagerie étant au bord de la faillite, il invite les membres à un appui inconditionnel. Durant les deux années suivantes, il sera même le conseiller du bureau de direction, et ce, même suite à son départ de la paroisse de St-Albert.
À partir des années 1960, l’arrivée de Raymond Lafrance procure à la fromagerie la stabilité dont elle avait grandement besoin. Il y occupera le poste de directeur général jusqu’en 1988.
Depuis l’arrivée des quotas et de nombreux changements dans l’industrie dans les années 70, les fromages St-Albert jouissent d’une renommée enviable. Si bien que l’approvisionnement en lait était devenu un problème majeur.
Pour rencontrer les nouvelles normes de l’industrie, plusieurs agrandissements furent apportés au bâtiment initial au cours des cinquante dernières années.
Sur un plan plus personnel, je fus membre de la coop pendant 25 ans puisque mon père m’avait légué son droit de membre lorsque j’ai acheté la ferme familiale en 1986. De plus, mon grand-père Bourgeois était du nombre des premiers membres fondateurs de cette coop. J’ai eu le privilège de faire partie du conseil d’administration pendant six ans et ma conjointe de celui du festival de la Curd depuis plusieurs années. De plus, la fromagerie fut le premier employeur de ma fille durant ses années scolaires. C’est donc dire que la fromagerie fait partie de la vie de nombreuses familles des villages environnants.
Les bâtiments principaux de l’usine ont peut-être été rasés par le feu le 3 février 2013, mais l’âme de la fromagerie n’est pas morte. Une nouvelle génération de producteurs laitiers reprendra le flambeau tout comme leur ancêtre des années 1940-50 et une nouvelle fromagerie renaîtra de ses cendres.
En cette période difficile, le conseil d’administration de l’UCFO et d’Agricom se joint à moi pour souhaiter force et courage au C.A., aux employés, au personnel, ainsi qu’à l’ensemble des membres de la Fromagerie coopérative St-Albert.